Une femme affirme avoir été payée pour aller chez Silvio Berlusconi

 
La réputation, l’image et finalement le pouvoir de Silvio Berlusconi se sont encore affaiblis après la publication d’un témoignage jetant une ombre de fin de règne sur son troisième mandat à peine commencé. Des écoutes téléphoniques conduites par un juge de Bari (Pouilles), en marge d’une enquête concernant le versement de pots-de-vin dans le secteur hospitalier, a révélé l’existence d’un réseau de prostitution au service du premier ministre.
 

M. Berlusconi, encore sous le coup des accusations de son épouse de "fréquenter des mineures", a dénoncé dans un communiqué des "accusations ordurières", un "complot" de la gauche en pleine déconfiture électorale. Pour parer au plus pressé, il a réuni rien moins que le ministre de la justice, Angelino Alfano, et son avocat, le député Niccolo Ghedini.

D’habitude pugnace et procédurier, ce dernier a exposé un peu plus son client en déclarant : "En supposant que ces accusations soient vraies, M. Berlusconi ne serait que l’utilisateur final et ne pourrait donc être poursuivi." M. Ghedini a réussi à faire interdire la publication en Italie de milliers de photographies du chef du gouvernement en galante compagnie dans sa villa de Sardaigne et à faire classer une plainte portant sur l’utilisation à des fins personnelles des avions de l’Etat par son client.

Selon la presse, Giampaolo Tarantini, un entrepreneur ami de M. Berlusconi, aurait convaincu, moyennant finances, des jeunes femmes de rejoindre le "Cavaliere" dans l’une de ses résidences, à Rome ou en Sardaigne. Nouveauté : ce n’est pas le quotidien de centre-gauche La Repubblica qui a révélé l’affaire, mais le conservateur Corriere della Sera, le journal le plus lu de la Péninsule, propriété des éditions RCS Mediagroup.

Le témoignage de Patrizia D’Addario, 42 ans, l’une des "invitées" du président du Conseil, est détaillé : "Avec deux autres filles, nous sommes arrivées au palais Grazioli dans une berline aux vitres teintées. Puis nous sommes entrées dans un grand salon où nous avons retrouvé une vingtaine d’autres filles. Il y avait des petites pizzas et du champagne en apéritif. Peu après est arrivé Silvio Berlusconi." Patrizia d’Addario explique n’avoir reçu que 1 000 euros sur le prix de 2 000 euros qu’elle avait fixé pour ses services, "car (elle) n’est pas restée".

Une deuxième visite, "le soir de l’élection de Barack Obama", précise-t-elle, s’est révélée plus conclusive. "C’est encore Giampaolo qui s’est occupé de tout… Mais, cette fois il n’avait pas d’autres invitées. Silvio Berlusconi m’a demandé de rester". Patrizia D’Addario assure avoir transmis au juge des enregistrements de ces deux rencontres. D’autres jeunes femmes ont également été entendues.

Le président du Conseil pensait pourtant avoir pris toutes les précautions. Une loi votée opportunément dès son élection en avril 2008 le protège de toute poursuite judiciaire pendant la durée de son mandat. Une autre, en cours d’approbation, devrait restreindre l’usage des écoutes téléphoniques et empêcher, sous peine de forte amende, leur publication dans la presse. Tout se passe comme s’il avait en fait attisé la curiosité des juges et des journaux.

Devant ses proches, Silvio Berlusconi regrette le peu d’empressement de ses alliés à le défendre. Gianfranco Fini, le président de l’Assemblée, marque chaque jour un peu plus ses distances. Giulio Tremonti, le ministre des finances ne parle plus que de… finances. La Ligue du Nord affiche sa "loyauté" mais profite dans les urnes de ses ennuis. Pour le "Cavaliere", tous conspirent contre lui : le patronat, la Banque d’Italie ou les grands journaux désormais inquiets des dommages sur l’image internationale du pays à trois semaines du G8 de L’Aquila, dans les Abruzzes.

"L’après-Berlusconi commence maintenant", traduit un député du centre-gauche. Une démission ? "Je continue de travailler pour le bien de l’Italie", assure le chef du gouvernement. Cette hypothèse a pourtant été évoquée, jeudi, dans le quotidien de la droite intellectuelle, Il Foglio, financé en partie par Veronica, l’épouse du président du conseil en instance de divorce. Dans son éditorial, intitulé "Le 24 juillet", son directeur, Giuliano Ferrara, ancien ministre du premier gouvernement Berlusconi, écrit : "Depuis longtemps, nous soutenons Silvio Berlusconi avec conviction. Il lui appartient désormais de se sortir de cette incroyable situation pour conjurer le risque d’une instabilité permanente. La situation est devenue grave." Le "24 juillet" dont il est question est celui de 1943, veille de la démission de Mussolini.

About Marc Leprêtre

Marc Leprêtre is researcher in sociolinguistics, history and political science. Born in Etterbeek (Belgium), he lives in Barcelona (Spain) since 1982. He holds a PhD in History and a BA in Sociolinguistics. He is currently head of studies and prospective at the Centre for Contemporary Affairs (Government of Catalonia). Devoted Springsteen and Barça fan…
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2 Responses to Une femme affirme avoir été payée pour aller chez Silvio Berlusconi

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